Chronique #491 : Face it !

08 mars 2005 0 Permalink 0
bohemian like you – dandy warhols
come wander with me…
Tu te souviens de cette fois, tu t’endormais un peu ivre et il y avait ce garçon qui caressait ton dos – et puis ils étaient arrivés, les autres, et ça s’était mal terminé. Tu te souviens de l’apaisement, la torpeur et les chuchotements… Tu voudrais fermer les yeux et ne plus t’occuper de rien. Te laisser glisser. Pleurer.

Pleurer combien tu te sens petite et pas belle. C’est bien pour ça que t’as jamais rien dit, pour la grenouille. Comment assumer un truc pareil. Impensable. Il fallait cacher. Cacher la honte, cacher ce qu’ils avaient vu. Tenir debout quand l’intérieur s’effondrait d’un seul coup, à découvert. Vulnérable. Ils ont tout vu mais ils n’ont pas compris. Ils n’ont pas conscience. Toi, tu n’as pas confiance. Tu sais bien que t’es pas pareille, déracinée. T’es la fille à qui il manque toujours un truc. Tu sais pas trop quoi, tu sais juste que tu n’existes pas. La grenouille et les boeufs. C’est comme si quelque chose était si laid en toi (et t’as honte, et t’as honte, et t’as honte). Tu te souviens ce jour où tu t’étais cachée et qu’elle avait trahi. Tu te souviens de ces fois où elle ralliait le camp des autres contre toi – ou pire, malgré toi, en se moquant de toi. Toi et elle vous êtes un peu pareilles. Vous errez par là et on sait pas trop pourquoi. Faut vous donner un sens sinon on vous voit pas. Fondu enchaîné noyé dans la masse indécise. Pardon d’exister. Pardon d’être là, ça sert pas à grand chose mais c’est pas comme si on avait eu le choix. Tu voudrais la secouer, la taper, la piétiner. Pulvériser son assurance. Qu’elle montre de quoi elle est capable, pour de vrai. Qu’il y ait de la passion, des larmes et du sang. Des feux d’artifice, des cavalcades. Des trucs dont t’aurais pu être fière, ah ouais quand même c’est pas n’importe qui ma mère. Il y en a qui disent qu’elle est vachement formidable, que c’est à peine croyable. Ta mère, ce héros, ça t’a jamais paru l’évidence du siècle. Tu te souviens de toutes ces fois où tu as été seule, de cette fois où elle t’avait envoyé une lettre pour te dire tout le mal qu’elle pensait de toi (pour éviter de te parler, pour éviter de t’affronter). De ce truc qu’on t’avait collé sous le nez pour te montrer qu’on avait deviné (ne dites rien à personne, oh s’il vous plaît, ça n’arrivera plus jamais). Tu vois cette aversion que tu as pour d’autres quand tu reconnais le pire de toi. Tu vois comme tu gonfles à chaque fois – encore un effort, tu vas y arriver, voilà c’est presque fait, cette fois ça y est, c’est pas si difficile de devenir un boeuf… C’est à ce moment de l’histoire que la bulle éclate. Born as a frog, forever.

Faudrait qu’on s’occupe de toi, un peu. Faudrait que tu laisses faire.

«Je me sentais vaincue, à terre, comme […] dans la boue de la médiocrité, de la normalité. Et en même temps soulagée, avouant ma faiblesse, mon impossibilité à en faire plus.»
lu sur …transfer interrupted… – est-ce que ça mérite un commentaire ?

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