if you’re going to san-francisco – john phillips
Gary rédige des chroniques que nous inventons au fil de nos conversations, mettant en scène les vies de Lucy et Fred, nos alter-egos en deux dimensions. Nous sommes publiés chaque semaine dans le San Francisco Chronicle, puis édités exclusivement chez HarperCollins. Le regard des gens se transforme, au fil des jours certains qui nous connaissent se scénarisent eux-mêmes, préméditant leurs apparences et leurs gestes, perdant leur fraîcheur et leur naturel, aspirant à la caricature du phénomène. Le bar a changé de clientèle, les habitués ont désertés et c’est désormais une autre ambiance, moins extravagante et moins spontanée, dans laquelle il faut vivre et travailler.
Notre relative notoriété n’est rien à côté de celle de Sam. Ses t-shirts sont célèbres au delà des limites du concevable, il est même assez rapidement appelé à rejoindre La Factory, à l’autre bout du pays. Ce qui fait bien rigoler Gary, rapport aux toxicos dont s’entoure Warhol, après toutes ces années où Sam l’a emmerdé avec sa morale anti-drogues.
Mais Sam accepte l’offre et s’envole pour New-York, au grand désespoir de mon père que cela contrarie beaucoup de n’être plus qu’un gardien de temple – la sentinelle d’un lieu de pélerinage pour la superstar et ses fans, où plus rien désormais ne sera ni créé, ni nouvellement exposé. De mon coté je réalise que ça commence à faire beaucoup de gens que j’aime qui partent à l’Est. D’abord ma mère. Et puis Miles. Et maintenant Sam. C’est alors que je rencontre André, un français en cavale, recherché dans son pays pour désertion pendant le service national. André est un hippie écolo, un pacifiste-activiste, comme les colocs de Gary chez qui il a atterri. C’est un homme aux gestes lents, un homme qui prend le temps de vivre pleinement. Il cuisine, il médite, il soigne des plantes bizzaroïdes, il aime marcher, il est tranquille. Il a les cheveux longs et des sandales tressées, des lunettes rondes et les yeux plissés, il est grand mais dégingandé. Il émane de lui un calme, une sérénité, je tombe sous le charme et nous décidons de faire un bébé.
Mona naît un mois de novembre, et six mois plus tard je reçois une convocation à me rendre illico-presto à Chicago. J’y apprends que j’ai une soeur, elle s’appelle Lila, elle est malade et presque morte quand je la vois, c’est l’époque des premiers ravages du SIDA. Elle me parle de ma mère, cette femme que je ne connais pas, de son rire, de ses manies et de son caractère, m’annonce qu’elle est décédée depuis un an déjà, mais qu’elle ne s’en remet pas.
[(…)->http://www.chroniques-lunaires.net/back-to-back.html]
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