Chronique #704 : On the Road

29 décembre 2005 0 Permalink 0
Adèle
Cela dit, s’il y a une chose qui ne fait aucun doute, là, tout de suite, c’est qu’il faut baiser. Ouais. Donner du corps. Délier du fil, pieds et poings livrés, s’envoyer en l’air et se mettre en sécurité, me laisser emporter loin, loin, loin, et écraser tout le reste, abandonner ma tête aux vapeurs du joint, la foutre par terre, dehors, dehors, fous-le-camp, maintenant, malheureux cerveau, je connais bien le mécanisme, à présent, je veux juste un corps à corps, l’amour juste au corps. Question de vie ou de mort.

Oh, mais qu’est-ce qu’il attend. Et blablabla, ça parle musique, encore, et blablabla ça parle musique, toujours, et moi je vais exploser, et moi j’envoie des phéromones, en veux-tu, en voilà, allez, euh, quoi, mais on dirait qu’un violoncelliste, c’est pas tellement impatient. Pas autant qu’un pianiste. Merde. C’est chiant. J’allume une cigarette. Occuper le temps. Occuper les mains, la bouche, et tout à coup il pose ses lèvres sur mon cou, et tout à coup il n’y a plus que lui, et moi, dans ce compartiment maussade, et tout à coup j’ai le regard qui fuit dans le vide, à travers la vitre, à mesure qu’il visite ma peau, et tout à coup je ne peux pas, non, je ne peux pas m’abandonner à la lumière, il ne faut pas, non, pas me voir, vite, l’obscurité, alors peut-être ça va céder, bordel, à quel point faut-il que je sois défoncée, pour gommer la chair, et me laisser percuter, ouvrir, soumettre au désir… Il respire vite. Mordille une oreille, pince et presse mes seins par dessus le t-shirt, et puis glisse ses mains dessous, les caresse vraiment bien… Il bande, de plus en plus fort, ça va trop vite, je veux pas ça, pas encore, je voudrais m’en aller, fuir, être déjà arrivée, toujours la même comédie, suis fatiguée, corps désincarné, allez, en finir, vite, caler les fesses de chaque côté du sexe dressé, et puis onduler, accélerer le rythme, le faire céder, et coller le front sur la vitre glacée, putain de clim, et il y a de la buée, mon souffle harassé, oh, essayer de se concentrer, sait-on jamais, s’agit de focaliser sur la main qui excite, pas penser, non, pas se dire que c’est mort, plus d’envie, et laisser les doigts déboutonner, laisser venir tout près, et gémir, des fois que, et croire que c’est ce qu’il désire, juste avant les coups de reins, et la tête martelée sur le carreau, en cadence, et puis falsifier, parce qu’il n’y a rien, mais alors rien, et enfin il perd le souffle, ah, vite, qu’on en finisse, pfff je comprends plus rien, j’avais envie, putain, pourquoi je n’aspire rien, pourquoi ça fait mal, ça devrait faire du bien, et alors il transperce, aussi loin qu’il peut, et j’étouffe un cri, douleur, il brûle, un spasme, un râle interminable, suis enfin libérée, je caresse ses cheveux, t’as bien travaillé, je me redresse, arrange mes fringues, non, je veux pas rester, mais comment faire pour m’en aller…

J’ai juste envie d’effacer. Oublier. Bordel. Pas comme si c’était la première fois, n’est-ce pas. Désespoir d’en être toujours là. Qu’est-ce que je fous dans ce train, putain, que des conneries, si j’avais des couilles j’irais tirer le signal d’alarme… Ouais. Disparaître dans la nuit. Voilà ce qu’il faudrait faire.

{«- Vais faire pipi.»}

Tout ce que j’ai trouvé à dire, pour fuir. Bravo moi. J’ouvre la porte et elle est là.
Elena.

{«- Tu te souviens pas de moi ? Je suis la meuf de Barbara.»}

Manquait plus que ça.

#9 -

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