
Infiniment étonnée.
A part ça, j’ai tout oublié. Mercredi, dans la voiture, j’étais un bébé. Le pouce dans la bouche, sans l’avoir décidé, et puis la vie qui débordait. Incrédulité. J’en perds les mots, c’est bien la preuve, j’en perds les mots et je n’arrive pas à lui parler, à ELLE, j’en perds les mots et je me désorganise, peut-être qu’enfin je réalise, j’admets, j’apprends la délivrance. Je voudrais oublier la fierté, perdre l’habitude de crâner, et puis tout déballer, et comme ça, ça sera fait, et comme ça, ça sera admis quelque part, assumé, digéré. Putain de culpabilité, putain d’incapacité à endosser cette responsabilité, parce que je me suis trompée, parce que j’ai sublimé, romancé, parce que j’ai utilisé les mots pour m’inventer, parce que j’ai mis des barreaux tout autour et que c’est bien fait, oui, bien fait pour ma gueule finalement, il ne faut pas faire des choses pareilles enfin, ça rime à quoi, hein.
Je me suis piégée. C’est un peu con tout de même.
Et puis me voilà débarquée, et c’est le même paysage, et je soliloque encore, c’est à se demander à qui je mens comme ça, c’est à se demander combien de temps je vais tenir, encore, à l’ombre de mes remparts, privée d’adrénaline, paralysée des récepteurs, à la recherche de justifications inutiles et de prétextes arrogants, combien de temps je vais fermer les yeux au coeur de moi, lumière éteinte, à faire comme si je n’étais pas là. Ni ailleurs, d’ailleurs. A faire comme si je n’existais pas.
Je me sens considérablement injuste avec les gens. Le genre ingrat, le genre expectatif. Comme si j’en étais arrivée à refuser de me laisser atteindre, comme si jamais personne n’avait fait attention à moi, d’ailleurs j’en ai aucun souvenir, jamais à ce point là, jamais je n’ai laissé faire, jamais je n’y ai cru, non plus, qu’on puisse m’aimer sans y être obligé, qu’on me désire, moi et juste moi, sans frime ni caprice, jamais je n’ai eu confiance en l’autre, quel qu’il soit, comme l’impression d’être incrustée partout où j’allais, imposée, bientôt blessée, bientôt délaissée, expulsée, ravagée, sans comprendre pourquoi, ni comment, comme si ça n’était qu’une question de temps. C’est effarant, presque stupéfiant. Je suis vide, déconstruite, rescapée malgré moi. Pas très fière de me complaire dans un masque de gratitude imbécile, oh merci, oh merci, comme si je n’avais rien fait du tout après tout, comme si c’était pas de ma faute, comme s’il fallait se sentir coupable de recevoir ce qu’on me donne, je l’ai pas mérité, et y plaquer des intentions miséricordieuses, et nier jusqu’à l’absurde ma responsabilité à faire naître du sentiment. Bien plus facile de n’avoir rien à perdre, évidemment, à commencer par moi-même, bien plus facile de chouiner que personne ne m’aime. Je me sens injuste, et étriquée.
Reste à me libérer.
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