Tu peux raconter des heures. Les obsessions, les compulsions. Comment ça devient tout à coup tellement important de posséder immédiatement une veste en cuir marron, et tu sais exactement laquelle, tu la visualises dans ta tête, c’est comme ça qu’il faut qu’elle soit, et pas autrement, et peu importe le prix, peu importe qu’il faille la commander aux Etats-Unis, ou la faire ramener d’un coup d’Eurostar d’une friperie vintage from Camden Town. Ou alors, il faut tout connaître des secrets du futur. Puisqu’il est dit que l’avenir nous réserve des surprises, autant savoir tout de suite si elle seront à la hauteur, pour une fois. Alors que bon. Si on y réfléchit cinq minutes. A la base, personne ne peut prévoir. C’est bien ce qui t’emmerde d’ailleurs. Mais bref. Superstitions. Caprices. Impatience. Putain de dérèglement affectif, tiens. Conspiration interpersonnelle. La même qui guette pour passer à l’acte quand tu regardes ailleurs, productrice émérite de catastrophes en cascades. Celle dont tu admires le champ de bataille, effarée. Non mais ça va pas. Faudrait se calmer, un jour. Celle qui te fait rire, parfois. Quand tu retombes, et que tu te vois. Tu sais bien ce que tu cherches, vas. Tu sais bien ce que tu es entrain de faire. Tu sais qu’il faut détourner l’attention, la fixer sur le moins pire. Multiplier les cibles. Se retrancher. Tu sais qu’il faut distraire les certitudes. Rêver, s’emballer. Un sourire, et c’est gagné. Le coeur qui se gonfle. Lévitation à quinze mètres. Faut de l’entraînement, des vitamines. Surveiller les zones à risques, les vents bizarres. Faire attention. Font jamais attention, les autres, t’es au courant, depuis tout ce temps. Il faut intuber des choses jolies, dans ta vie, décider ce que tu as envie d’être. Et de vivre, aussi. Il faut tromper l’ennui. Jouer. Vagabonder, laisser remonter les souvenirs, s’amuser. Se dire qu’il faudrait raconter un jour, pour se rassurer. Expliquer, romancer, faire rire. C’est juste marrant, tu vois, pas bien grave. C’est juste un truc différent, un électron libre que t’as appris à maîtriser. Enfin presque, disons. Tu le lâches dans un cadre, tu l’envoies sur une cible. C’est toi qui décide. Il faut bien garder l’équilibre. Tu le vois se planquer, et puis venir te chercher, alors, alors, il voudrait s’échapper, il a soif de liberté, alors, alors, t’as du mal avec l’autorité, pour quoi faire, plutôt trouver un truc pour le faire taire. Une issue parallèle. Un truc qui t’emmènera ailleurs, un truc qui va l’occuper à l’extérieur. Se tourner vers le moins pire. Qu’est-ce qu’on s’en fout que ça soit pas bien glorieux. Peu importe si c’est une lubie. Qu’il faille en passer par la fabrication d’une mousse au chocolat noir, 70% de cacao minimum, au milieu d’une nuit d’insomnie. Qu’il soit indispensable d’aller trouver une corde à sauter, parce qu’il faut faire de l’exercice de temps en temps, tout de même, en commençant par tout de suite, forcément, mais il pleut, c’est un problème. Qu’il puisse paraître envisageable de prendre un décision en secouant dix fois la Garciboule, pour prendre la température de la tendance immédiate du biorythme astral. Qu’il devienne impensable de vivre une seule minute de plus sans ce téléphone japonais multi-fonctions vu dans un magazine, celui qui affiche la photo du correspondant quand il t’appelle. Comme si c’était important. Tu parles. Miroirs déformants. Plongeon au coeur de la névrose. Je te laisserai pas faire. Je te laisserai pas tout gâcher. Pousse-toi. Vas voir là-bas. Laisse-moi voir derrière. Tu te crois forte et tu t’acceptes faible. Tu assumes. C’est comme ça que tu es, pour l’instant. Consciente. Plus tendre. Ironique, aussi. Tu t’en fous, de tes conneries. Y a rien de grave.

Ainsi va la vie.

{(pict : courtesy madame wizman)}