Il t’a foutu la trouille, l’autre abruti. Infiltré du poison dans tes veines. Ouais parce que quand même. Est-ce que c’est bien normal, toute cette excitation. Est-ce que c’est bien vrai, que tu vas bien. Que ça va pas recommencer, que t’as avancé. Quand tu lui en as parlé, ELLE a rigolé. Bien fait pour ta gueule, fallait pas lire. Somatisation. Chicken & eggs. Il est où, le point de départ. Tu vois l’été qui approche, tu vois ce printemps redoutable. Les up et les down, les gens qui flanchent, les héros fatigués. Y a pas moyen d’y croire. Pas question de te laisser déstabiliser. Tu le sais bien, que t’as condamné des accès. Vigilance dans le rouge. Faut faire attention. Faut faire très attention. Manquerait plus que ça, tiens. Comme si tu marchais sur un fil, comme si il ne fallait pas regarder en bas, et courir très vite, le plus vite possible, traverser l’été sans regarder, et voilà septembre, et voilà la boucle bouclée, et voilà ta vie qui va commencer. Tu fais aucun projet. Tu ne sais pas quand tu vas déménager, tu ne sais pas ce que tu vas faire en juillet, et en août non plus d’ailleurs, tu ne veux même pas y penser. C’est ridicule, un peu. Comme les légendes urbaines, ou l’horoscope de Caroline Alexandre. Ou un vendredi 13. Celui-çi, il est particulier. C’est un anniversaire, celui de ton père. Aujourd’hui, il a soixante ans. Drôle d’idée. Tu l’as pas vu venir, ça passe tellement vite le temps, en ce moment. Déjà mai. Bientôt juin. T’es surexcitée, vachement heureuse. T’avais oublié ce que ça faisait. Tu feuillettes les images. T’avais sept ans. L’âge de Léon bientôt. C’était bien, la vie, à cette époque. Tu te souviens de l’intérieur. Tu te rappelles la joie, l’insouciance. T’es en plein dedans. Joyeuse et insouciante. Rien de grave. Tout qui t’amuse. Tu dors pas beaucoup, t’as pas envie de dormir, t’es réveillée, complètement, t’as envie de rire. De vivre, tout simplement. Mais tu fais attention. Très très attention. Faut pas te tromper d’ennemi, faut pas se mentir. Tu papillonnes. Tu bavardes, c’est l’ébullition dans ta tête, les mots sortent en vrac, ici, ou là, pour toi, et pour tout le monde, c’est un torrent, un déferlement. T’es pétrifiée. Tu refuses jusqu’à l’idée de développer l’idée. Tu vois le genre. Autruche à mort. Han lala, je sais même pas de quoi vous parlez. Tralalala j’entends rien. J’ai tout vu, vous fatiguez pas. C’est pas pareil, pas pareil du tout même. Sois honnête avec toi même. Faudra en parler, encore, avant de t’en aller. T’as tellement peur, bordel, c’est à peine croyable d’être terrifiée comme ça. Tu le vois bien que ça n’a rien à voir, enfin. Sois raisonnable. Descends un peu. Pause. Needin a break.
En même temps ça tombe bien, hein. Tu trouves des milliards d’idées pour t’occuper. Des tas de trucs à faire, des envies et des complicités. Baliser les heures, voler du temps à tes journées. Faudrait juste que tu dormes plus, seulement c’est pas possible, trop de contrôle, trop de pression, trop de tension, il te faut des heures pour tomber et t’endormir comme une bûche, jusqu’au départ de Léon le lendemain matin, au revoir maman et bonne journée jusqu’à ce soir, t’es fatiguée, mais tu ne veux pas dormir, presque comme l’année dernière, quand tu as découvert l’autre côté du miroir, même si ça n’a rien à voir, d’ailleurs tu souffres pas, ça fait pas mal du tout ce nouveau cru, mais pourtant, t’es paniquée. Tu cours, tu t’affoles. Comme pour faire croire que ça a déjà commencé, comme pour conjurer le sort. Comme s’il suffisait de pas grand chose pour voler en éclats, retrouver l’asphalte et t’étendre par terre.
Alors que ça n’arrivera pas, tu l’autoriseras pas.
Non mais quel connard, celui-là, avec son bipolaire.
ciel gris rime avec inertie.
Leave a Reply