Tu te fous au lit avec un joint, et bordel t’as attendu ce moment toute la journée, et t’allumes la télé, et tu tombes sur la promo du zone interdite du soir, et tu souris parce que ouaip, c’est bien la preuve, et puis ça fond sur toi, ou plutôt tu te souviens, et tu imagines vaguement que ça serait un peu ça, ta vie si tu étais devenue cette femme que tu racontais dans tous ces carnets ma famille de quand je serais grande, que tu as gardés précieusement d’ailleurs, tandis que viennent se superposer les vies de tous ces gens que tu connais et qui ont pris ce chemin là, et qui avancent au fil des pages sans jamais lire la fin avant le début, ni abandonner le bouquin pendant l’aftermath. Les gens normaux, quoi, comme on pense ici. Et tu te dis que tu t’emmerderais vachement dans une vie pareille, en fin de compte, même si t’es assez bête pour sentir un brin de nostalgie dans un coin, parce que ça semble tellement serein, cette vie, et qu’il y a des fois tu es fatiguée, un peu.

Bien sûr, tu vois le piège, parce que c’est hyper tendance, la famille, en 2005, et on en parlait pas plus tard que y a cinq jours, et même c’est un mot d’ordre, pas loin d’être une cause nationale, un peu comme pour dire, oh, faites des gosses, et prenez des crédits-conso, et cassez-vous en vacances à l’autre bout du monde dans des charters douteux, et dévalisez darty, ou ikéa, pour faire de votre F4 un pur appart témoin high-tech, mais s’il vous plaît, foutez la paix aux tous-puissants, vous les épuisez, les tous-puissants, figurez-vous. C’est comme un spectacle bien organisé, et il faudrait que tout le monde entre dans la danse, et tous les costumes seront fournis, n’ayez aucune inquiétude.

Seulement ça sera sans toi, merci. T’as déjà donné.