
C’est une vieille histoire. Longtemps je l’ai imaginé ce cousin jamais né, qui aurait été mon grand-frère puisqu’on aurait eu les mêmes grands-parents. Matthieu. Longtemps je lui ai parlé et je lui racontais tout et je lui posais des tas de questions et il avait toujours des réponses. Dès que mes parents ont déménagé dans cette ville qui ne m’a jamais adoptée, j’en ai parlé à tout le monde comme si il existait pour de vrai. Oui bon on sait tu as un cousin génial qui sait tout faire, tu nous fatigues un peu là. Evidemment j’étais obligée d’inventer des tas d’histoires abracabrantesques pour expliquer pourquoi personne chez moi n’évoquait jamais son existence… Je me rappelle de soirées où, après avoir joué à Angélique avec C. ou S. (c’était un peu une obsession, c’était devenu une habitude ces histoires de Geoffrey et de foulards), je parlais des heures de Matthieu – jusqu’à ce que le sommeil nous ferme les yeux. Matthieu qui trouvait très rigolo ces histoires de Sultans, Matthieu qui aurait joué avec nous si il avait pu, Matthieu qui était interdit de séjour à la maison parce que ses parents et les miens étaient fâchés pour une histoire d’héritage lié à la mort d’un cousin de mon père…, j’inventais et j’étais super forte en invention. Pure mytho.
Mais Matthieu n’existe pas. Il n’est jamais né, son père est mort avant même que sa mère ne soit enceinte. Trop con. C’est moi qui suit arrivée à sa place, moi l’usurpatrice. Je ne sais pas exactement où est le noeud mais il doit être dans ce coin là.
«Oui, parfois la pensée la plus folle, la plus impossible en apparence, s’implante si fortement dans votre esprit qu’on finit par la croire réalisable. Bien plus : si cette idée est liée à un désir violent, passionné, on l’accueille finalement comme quelque chose de fatal, de nécessaire, de prédestiné, comme quelque chose qui ne peut pas ne pas être et ne pas arriver.» Le Joueur, Dostoïevski.
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