{Prenez garde à la fermeture automatique des portières, attention au départ.}
Oufffffff.
Sauvée par le gong. Le train s’ébranle. Il y a comme un flottement. Le temps d’accorder l’équilibre des corps à la cadence du moteur. Silence. {T’es nouvelle?} Arf. Oui, oui, on peut dire les choses comme ça, voilà.
Son prénom, c’est Elena, à la fille bleue d’en bas. Si j’en crois le garçon au violoncelle qui s’engueule avec elle. M’ont oubliée, on dirait. Ca m’arrange. Y a marchandage. {Mi bémol. Ah Ah. Pas du tout, n’importe quoi. C’est un Do dièse}. Sais pas de quoi ils parlent. Pas mon problème. Occasion rêvée de disparaître. Je me gomme. M’allonge comme si j’étais exténuée. Bien joué. Mais va falloir tenir quinze heures. Quinze heures, merde. Je vais pas pouvoir rester là tout ce temps allongée sans bouger, et si j’ai envie de faire pipi, merde, je fais quoi. M’en tenir au fil. Me taire, surtout, oh surtout, taire ma voix. Faire comme si je n’existais pas… Ca parle d’un concours, d’une fête annuelle, de probabilités, de qui va gagner… Ils sont chefs d’orchestres. Ou accompagnateurs. Je comprends qu’ils font le même voyage chaque été, pour élire le meilleur, ou un truc du genre. Putain. Suis tombée en plein pélerinage à la Mecque, ou pas loin. Quel bol. Grrrrr. Pas prévu, ça. Me sens tout à fait seule. Chier. Se raccrocher à quoi. Va se passer quoi…
{- Chhhhhhhuuuuuuutttttt ! tu vois pas qu’elle dort ?}
J’ai bondi. Bien failli m’ouvrir le crâne. Sais pas ce qu’ils ont fait tomber, mais c’est du lourd. Du brutal. J’ouvre un oeil. Des étuis éventrés sur le sol, des pages de partitions abandonnées sur les lits, et plus de violoncelle. Et plus personne, d’ailleurs. Tous partis. Pffff. Je veux dormir. Je les entends rire. Font quoi, là, avec leurs instruments ? Pffff… et puis j’entends… oh noooooooonnnn… putaaaaaaaaiiiiiiinnnn… pas la Traviataaaaaaaa… pas Sempre Liberaaaaaaa… pas Violettaaaaaaaa… pas làààààà….
Désespoir. Suis sûre que c’est lui. Suis sûre que c’est elle. Bordel.
Pourquoi moi.
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