Chronique #848 : Five Minutes To Flush

17 novembre 2007 0 Permalink 0

if you’re going to san-francisco – john phillips
raising the roof
{Je reçois cette vidéo et San Francisco. Ma ville à moi. Cette ville où je pourrais être née. Et me voilà à imaginer.}

Mon père, dans cette autre vie, est un libraire excentrique au coeur de North Beach. On ne sait pas très bien où est ma mère, partie sur la route avec des beatniks, au grand désespoir de mes grands-parents du Nevada, mais curieusement ça fait son bonheur à mon père, dans la cuisine il a punaisé au mur une grande carte du pays, et il la suit. Quant à moi et bien je grandis, le plus souvent au milieu des livres. J’ai des jeans, des lunettes sur le nez, la silhouette d’une sauterelle et les cheveux emmêlés, un air rêveur et des tâches de rousseur.

Je ne vais pas à l’école, Gaby le fils du meilleur ami de papa non plus, mais entre les lettres quotidiennes de maman et la librairie, ça me suffit. Il y a beaucoup de passages dans ma vie, des poètes, des penseurs, de l’alcool, des femmes aussi. L’année de mes douze ans, nous accueillons un jazz-band qui campe dans l’arrière-boutique et je suis très amoureuse de Miles, le trompettiste. Un géant à la peau mate et brillante comme un marron d’automne, ensoleillé par le sourire éclatant d’une unique dent en or, juste devant. Il m’apprend les claquettes et le texas hold’em, m’entraîne à travers la ville découvrir les spectacles de rue et les laboratoires expérimentaux des nouveaux sons psychédéliques, il me paie d’énormes hamburgers au comptoir du bar, lui s’enfile des panachés et pendant que je mange il raconte, le jazz, ses parents au Texas et la rencontre avec Ella Fitzgerald, son exode à l’Ouest, sa trouille inouïe des tremblements de terre, et dans ses yeux je lis la fascination pour la baie, l’océan, il ne s’arrête jamais de parler et il rit tout le temps. Et puis un jour on lui dit que pour le swing il faut migrer à l’Est, tout là-bas, vers New-York, alors il part, et avec lui trompettes et jazz-band. Gary a grandi, moi aussi, nous avons pris de l’assurance. Notre nouveau truc, c’est les paris. Un héritage du poker et du jazz. Sans le bruit, la fumée, les notes et les rires des musiciens, les cartes nous ennuient. Alors on s’expatrie : notre nouveau terrain de jeu c’est la rue, et les défis. C’est à cette époque que j’apprends la guitare en trois jours et trois nuits, sans dormir, à cette époque aussi que nous nous décidons à écrire, à cette époque que le père de Gary se tue sous un cable-car, à cette époque que mon père transforme sa librairie en galerie pour y exposer une forme d’art assez bizarre, qui entérinera pour la postérité chez lui la manie de jouer les grands incompris.

De Miles, j’ai conservé une passion pour les hamburgers, pour la limonade améliorée, et pour les bars. Alors je me fais embaucher comme barmaid à deux blocs de la galerie, dans un de ces endroits à la mode, cosmopolite et rock’n roll. J’y côtoie une foule bigarrée, des musiciens défoncés, des artistes engagés, des ouvriers, et Sam. Sam qui invente des histoires abracadabrantes pour nous amuser, quand il n’est pas à fond impliqué à manager quelques obscurs groupes de heavy- metal qui rêvent un jour d’égaler le talent de Deep-Purple.

[(…)->http://www.chroniques-lunaires.net/mucking-cards.html]
Cette semaine, youpla, j’ai gagné plein d’argent dans plein de tournois. Demain c’est champagne chez M., hourrah.

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