Il me dit qu’il se demande, parfois, s’il est quelqu’un fait pour le grand amour, enfin, ce genre de truc, tu vois. Il est découragé. Il me dit que, peut-être, il y a des gens à qui ça n’arrive pas, vas savoir pourquoi. But non. Il n’y en a pas. Même si j’ai longtemps cru à cette fatalité là. Au karma. Pas conçue pour être aimée, pas pour moi l’amour, etc. M’étais résignée, quoi. Convaincue d’avoir hérité de la même destinée que ces femmes, dans la smala, qui vivaient comme ça. Les toutes-seules. No pénis around, et même pas un enfant pour compenser l’abscence, tu te rends compte, voilà, c’est comme ça qu’on avait dessiné le tableau, autour de moi. Han lala les pauvres. Han lala les aigries, oui. Les emmerdeuses. Les jamais contentes, jamais heureuses. Han lala la mythologie, aussi. Han lala qu’est-ce qu’on m’a menti.
Elle avait des lunettes noires, ce jour là. Elle avait pleuré, mais pas le droit de savoir pourquoi. Mystère. Mystère. Avec E., on supputait. Sentait pas bon, ce mystère. Y avait personne qui la consolait. Comme si elle l’avait bien cherché, comme si elle avait fait une bêtise, et une sacrément grosse en plus, genre un gros péché samer, alors hein. Viens pas te plaindre, viens pas chouiner. Faisaient semblant de pas voir les larmes, tous. C’est rien, ça va passer, poussière dans l’oeil, le temps d’expier. Et puis elle était pas très sympa, cette femme. Belle, très, mais détestable. Sévère. Mauvaise. Pas le genre qu’on a envie de câjoler, voyez. Plutôt le genre qu’on fuit, quand on est enfant. E. disait qu’elle pleurait à cause de son amoureux, sans doute, ou plutôt parce qu’elle n’en avait pas, justement, et que bientôt elle ne pourrait plus avoir de bébé, trop vieille, tu comprends, c’est triste, quand même. Han. On nous servait la même soupe. Les mêmes légendes imbéciles. La vérité, c’est qu’elle aimait un homme marié. A la folie, totalement, et ce jour là il lui avait dit qu’il ne pouvait pas se passer d’elle, ah ça non, mais qu’il ne quitterait pas sa femme, pour autant. La vérité, c’est qu’après avoir pleuré, l’histoire a continué, et duré vingt années. La vérité, c’est qu’on lui a toujours nié son grand amour, sous couvert d’immoralité. Le droit d’aimer, et d’être aimée en secret. Le droit de souffrir, et de le dire. Le droit de renoncer à la maternité, le droit de jouir, le droit d’être une femme de plaisirs. La vérité, c’est qu’on nous a abusées.
A son sujet. Et concernant les autres, aussi. Celle qui a avorté, plusieurs fois, d’un homme qui vivait avec une autre, lui aussi. Celui qui aimait les garçons, et qui a été emporté par le hérisson. Celle qui vit avec une fille, mais ça n’a jamais été dit, celle qui papillonne d’hommes en hommes, parce qu’elle se préfère libre et baroudeuse, celle qu’on a marié de force, et puis planqué l’enfant jusqu’au terme du délai légal, et tout le barnum.
Anyway. Tout ça pour dire que ça y est, je crois.
I am over tout ça.
J’aime où je veux, qui je veux, et tout à la fois. Et je me laisse aimer, tout simplement, sans plus me demander pourquoi.
Après tout.
C’est pas mon problème, n’est-ce pas.
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