Chronique #732 : Cinéma Familia

27 janvier 2006 0 Permalink 0
seasons in the sun – terry jacks
welcome to my life
Elle me dit, {hey, c’est vachement sympa, dis, sont tous venus me demander des nouvelles de toi. Même elle. D’ailleurs elle a tout le temps parlé de toi. C’est dingue, n’est-ce pas ?}

Ah, ah.

Fatalement, nanmého. Je suis la seule qu’ils connaissent. Je suis la fille qui s’aggripe aux liens, et qui les entretient. J’ai tous les prétextes. Ces vacances, là-bas, mais-oui-mais-oui-l’école-est-finie, et la gare d’Austerlitz, les Picsou-Mickey-tenez-vous-tranquilles, la Simca 1100, et mon grand-père muni de ses trente-quatre pulls, et la nationale, et cette nuit où je m’étais crue aveugle, parce qu’ils n’avaient pas changé l’ampoule de la petite lumière, question de flemme sans doute… Tous les étés, comme un rituel, deux mois moins une semaine, deux mois moins la semaine de la mer.

Elle, c’était pareil.

Elle. La cousine d’à-côté. L’issue-de-germain, plus grande de deux ans, ouais, celle à qui je me subordonnais. Maisons mitoyennes, grands-parents imbriqués, familles entremêlées. M’aurait demandé de plonger dans le lavoir-interdit-formellement que je l’aurais fait. Tu penses. Jamais autant ravie que lorsqu’on partait chez son père, sauter dans les foins et fabriquer des soupes qu’on buvait, même que ouais. Jamais autant fière que reine du spectacle qu’elle mettait en scène, au deuxième étage de cette maison qui fût hôtel, avant, il y a très longtemps. Et les chambres à air des tracteurs qu’on allait piquer au garagiste, pour faire les belles à la piscine. Et les parties de pétanque sous les ormes, jusqu’à la nuit tombante. Et les défis, t’as peur des vipères, toi, moi pas. J’adorais. Moi, fille aînée de toute une tripotée. Moi, fille de famille nombreuse, famille heureuse. Moi, qui rêvait d’un grand-frère, ou d’une grande-soeur, enfin, quelqu’un avant, voyez, quelqu’un qui aurait ravi ma place de première-née. Elle, mêlée à des histoires sordides qu’à l’époque j’ignorais. Elle, au centre d’au moins autant de cousins, mais ils étaient beaucoup plus grands, les siens. Elle, et notre sang commun.

Il y a des gens qui ne vous quittent jamais. Il y en a qui sont là, pour toujours, glissés dans un coin, des souvenirs et des images, des madeleines à peine sorties du four, des sourires complices, des batailles rangées, des rêves partagés. On ne s’en sépare pas. C’est comme ça. Ca ne s’explique pas. Je connais tous les noms, tous les visages, la généalogie, les secrets à deux balles, les engueulades, les trahisons, et les réconciliations, je suis la jonction, le pont de liaison intra-générations, c’est moi qui rassemble, but c’est elle qui porte l’ensemble.

Et tu vois, ça m’étonne pas, qu’ils prennent des nouvelles de moi. Quelle que soit ta stupéfaction. Et tes justifications. C’est plus le moment de te poser des questions.

no comment, pas envie d’être méchante. mouais.

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