Mais oui, mais c’est que.
C’est un truc qu’on apprend dès la naissance, presque, ce truc là. Remember. Six ans, et il faut aller prendre le thé chez les aïeux bien-aimés. {«Alors, ma chérie, tu es contente de venir nous voir ?»} – {«Oh non pas du tout, c’est lugubre ici, beurk, et depuis que grand-père s’assied sur une bouée de piscine, ça me fous les jetons samer»}, mais bien sûr tu peux pas dire ça, t’es folle, c’est pas du tout ça qu’on attend de toi, dans ces moments là, dans ces moments là il faut répondre oh oui, et sourire, et ne plus faire de bruit. Plus qu’à la fermer, et penser au cake du goûter, en résumé. Et ça n’est qu’un exemple, hein. J’en ai d’autres à la pelle. Tenez. Vous avez dix ans. Dix ans, le même âge que le fils gravement épileptique d’amis de vos parents. L’épilepsie, personne vous a jamais trop expliqué ce que c’est, et d’ailleurs le fils, là, il vous fout un peu la trouille. D’abord il joue pas du tout aux mêmes jeux que vous, du genre il construit la tour eiffel avec les bouts de bois de sa maison forestière, et c’est obsessionnel, pas moyen de le distraire, et si on l’énerve, presque il se trouve mal, et là c’est pas loin d’être le drame, ses parents rappliquent, toi t’es sûre là ça y est il va mourir, et nobody te dit le contraire, bref, on peut pas dire que tu te réjouisses haut les coeurs d’être la seule fille invitée à son anniversaire. Mais vas-lui dire, en face, à lui ou à sa mère, que bah c’est pas que tu avais envie de venir, non, pas exactement, but on t’a obligée alors voilà, te voilà. Ouais, vas lui dire ça.
C’est juste pas possible. Ou en tous cas, moi, j’ai jamais réussi. Trop polie. Seulement ça finit par gaver, vous savez. A cause des répétitions, et tout le bordel. Ces scènes qu’inconsciemment on rejoue toute la vie, ou presque, jusqu’à ce qu’on ait trouvé la scène parfaite. Comme si c’était karmique, kind of. Enfin je ne suis pas très forte en bouddhisme, hein. C’est juste une image. C’est un peu comme dans ce film avec Bill Murray et l’everlasting day. Tant que t’as pas été ce qu’il faut que tu sois, tu recommences, et tu apprends, et patatilavie comme dirait M.
Ouais, ça finit par gaver. Plus envie de (me) mentir. Plus envie de (me) taire. Plus envie de travestir.
Mais c’est pas tous les jours faciles.
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