Ce soir, il est parti trop loin. A la cinquième alarme, j’ai fait le gendarme. Hop, finito, tu n’arrives pas à redescendre, petit chat, il va falloir que je t’aide, et pas plus tard qu’immédiatement. Crise de larmes. Je lui reparle de ce truc qu’il m’a raconté, et comment on punit son frère d’adoption quand il pleure parce qu’il n’arrive pas à jouer avec les trucs des plus grands. Je lui demande si il avait trouvé ça juste, je fais le rapprochement. Il est toujours furax mais je vois que ça imprime, finalement. Allez zou, dans ta chambre, et tu reviens quand tu ne seras plus si fâché. Il débarque avec des dessins, dix minutes plus tard. Je m’attends au pire. Mon fils parle avec des crayons, depuis toujours. Bien sûr, ça loupe pas, il me tend la feuille et je la retourne : une compo au spirographe toute noire, et en dessous il s’est dessiné lui, pas content, mais alors pas content du tout, au point que l’autoportrait du papier tire la langue, ce que lui ne fait jamais, oh grand jamais, tellement c’est un enfant un peu trop raisonnable.
{«Tu veux voir celui que j’ai fait pour Malou ?»}, il me lance, air de défi, technique habituelle. Alors là, pas du tout, du tout, non, je sais sur quel terrain il nous emmène, comme à chaque fois, et je me passerais volontiers d’un coup en plein estomac. Mais bien sûr, je ne peux pas dire ça. La spirale est rose, avec des coeurs rouges autour, et des {JE T’AIME} à tous les étages. Je m’attends au choc habituel. Au truc qui transperce et qui me déborde, à l’uppercut. But rien. Nada. J’ai beau chercher, vérifier, même pas mal. Aucune larme, ni voix qui se coince, aucune colère pour masquer la blessure insoutenable. Il n’y a plus rien de tout ça. Que c’est bon, bordel. Je n’ai plus peur.
C’est moi, sa mère.
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