Chronique #669 : Face of Anger

06 novembre 2005 0 Permalink 0
do you hear the people sing – les misérables
one more day before the storm !
Je suis en colère.

Une colère sourde et redoutable, le genre qui prive de sommeil, le genre qui rend désagréable, peut-être même odieux, le genre qui épuise, merde, c’est pas gérable d’être aussi fatiguée alors que bon, objectivement, y a pas de raisons, n’est-ce pas, tout va bien et j’ai confiance, tout va bien malgré les larmes de Léon qui ne sait plus comment s’y prendre pour se faire des copains, tout va bien même si l’échéance approche, tout va bien et je n’arrive plus à me lever le matin.

Je suis en colère et je n’ai pas envie de savoir pourquoi. Again. Sans doute la crainte, sans doute la lassitude, sans doute la tête dans le sable, sans doute les névroses habituelles. Whatever. Je vais canaliser ailleurs.

Et par exemple, et au hasard, je lis tout à l’heure que la France s’indigne, figurez-vous, je lis avec stupeur qu’il faudrait que les médias la bouclent et mettent le couvercle sur les émeutes, et les voitures qui brûlent, et la violence qui gronde, et tout le bordel. Même que mes amis les américains, qui n’attendaient que ça pour venger l’insubordination de ces stupides frenchies, comme ils disent, racontent que Paris est assiégée et survolée par des hélicoptères, et ils se moquent, les cons, because en résumé c’est bien fait pour notre gueule si l’axe du mal passe par la tour Eiffel, eu égard au fait que Chirac n’a pas voulu bouger un seul orteil le jour où le Pentagone avait décidé d’aller exterminer les terroristes. Tant pis pour nous, voilà ce qu’ils pensent, outre-Atlantique.

Bon. J’ai pas dit non plus qu’ils étaient très fins, les américains. Mais bref.

Tout de même, ça craint. On n’a pas l’air malin. Taisez-vous, tous, à la fin. Stop à la publicité. Halte à l’exposition médiatique, il y a des gens qui voudraient dormir tranquilles, il y a des gens qui pleurent leurs voitures carbonisées, il y a des enfants qui ne vont pas pouvoir aller à l’école demain, venez pas nous parler de guerre civile quand il s’agit de petit vandalisme à deux balles, exterminons la racaille. Ah, ah. Si la situation n’était pas un tout petit peu inquiétante, il faudrait en rire. Longtemps. Est-ce qu’on se foutrait pas largement de notre gueule. Putain. Des années qu’on nous bassine avec Mai 68. La Révolution. Leur Révolution. Rien que ça. Des années qu’on les entend nous raconter qu’ils ont bâti une autre société, meilleure, à la sueur de leurs révoltes, à la lueur des *événements*, comme ils disent. Des années qu’ils nous coupent la parole et l’herbe sous le pied. Des années qu’on nous construit une légende urbaine, des années qu’on nous explique qu’il faut se battre contre l’injustice et l’oppression, qu’il faut se mettre en grève et ne pas se laisser ratatiner. Des années qu’ils nous disent qu’ils ont eu les couilles de soulever les pavés, EUX, quand nous avons juste l’énergie d’aller gagner de quoi bouffer. Ah, ah, disais-je. Ils ont tout oublié. CRS = SS. Les barricades à Saint Mich’, les facs requisitionnées, les bagnoles retournées, les vitrines dévastées. L’utopie en étendard, les intellos dans les cafés, il devient interdit d’interdire, et bientôt la fin de la farandole, la crise du pétrole, le début de la grande pauvreté pour ceux qu’on aura perdu en route, l’immigration non maîtrisée, les cages à lapins construites le long de la grande couronne, et maintenant on s’étonne. Pire. On s’indigne, et il faudrait interdire d’en parler, et il faudrait *nettoyer les banlieues au kärscher*, pour paraphraser. Je vous dis, on se fout de notre gueule. Considérablement.

Il faudrait qu’on m’explique. En quoi c’est pas du tout pareil. En quoi ça n’a rien à voir, même. En même temps, ils sont coincés. C’est un peu couillon, c’est un peu le serpent qui se mord la queue, c’est un peu toujours le même refrain, et les mêmes mauvaises solutions à de vrais problèmes. C’est la preuve qu’on n’apprend jamais rien de l’histoire, et qu’il y en aura toujours pour imaginer qu’il faut tout péter pour se faire entendre. Forcément. Puisqu’en 68, ça avait vachement bien fonctionné. De Gaulle avait démissionné.

On nous l’a assez répété.

charmant week-end, à part ça.

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