Ils sont forts, les américains. On pourra m’objecter qu’ils sont dingues, prétentieux et cruels. On pourra me dire qu’ils sont menteurs, profanateurs et presque bêtes, on pourra me dire que leur jovialité, leur technologie et leur énergie sont les vitrines de l’hyper-libéralisme, et t’as vu où ça nous mène bordel.
N’empêche.
L’amérique a eu les beatniks alors qu’on se coltinait les surréalistes, par exemple. Kerouac vs Breton, choisis ton camp, camarade. Le camp de ceux qui coupent les cheveux en quatre. Tenez, le cinéma, par exemple. En France, il faut se la jouer intellectuel. Mais attention, hein, pas comme Woody Allen. Pas question de corrompre le souffle tourmenté du scénariste en y instillant un peu de morgue, un peu d’humour, et de cynisme. Oh lala non. C’est que c’est sérieux, le cinéma, tout de même. C’est le septième art, n’oubliez pas, et sur le vieux continent on ne rigole pas avec ça. L’art, c’est le berceau de notre histoire. L’art n’est pas fait pour divertir, et puis quoi. L’art, c’est fait pour ré-flé-chir. Le sens de l’existence, l’inspiration divine. L’art, c’est la blessure qu’on examine, le sang et la sueur, l’âme à nue et le christ sur la croix. Prenez Michel Blanc, par exemple. Sa tête qui passe plus les portes, son avis sur la vie, la mort, et tout le bordel, et en plus il nous faudrait le partager, et comprendre, voire objecter, ouais, putain, au moins dans Les Bronzés il nous a fait rigoler, parce que là c’est un peu consternant, n’est-ce pas, et c’est pas non plus comme si j’avais le début d’une éphémère intention d’avoir un avis sur l’avis (la vie) de Michel Blanc. Du tout. But. C’est un peu chiant, souvent, la gravité mise à toutes sauces, et la hausse du cours du melon à grand coups de citations. Aux Etats-Unis, ils ont compris le truc. Les gens, il faut qu’ils pensent à autre chose. Il faut qu’on les emmène, il faut qu’on les emballe. Il faut qu’on les bluffe, watcha, et qu’ils n’en reviennent pas.
Aux Etats-Unis, ils savent faire distraction. Champions du monde de ceux qui se la racontent. Je suis fan. C’est tout ce que je leur demande, finalement, aux américains. Me divertir. Sérieusement. Y mettre des moyens lourds, vraisemblables. Me scotcher. Me faire taire. Et c’est à chaque fois réussi, presque. Oh my gode. Cette fois encore. J’ai été happée. LOST m’a tuée. Le quatrième épisode, et j’ai plongé. Pourtant, on m’avait presque forcée. Quoi, quoi, quoi, TOI, tu n’as pas suivi cette série incroyable, géniale, formidable. Ben non. Faut avouer que je me méfie des séries traduites qui passent en prime-time le samedi soir. Les Buffy, Smallville, etc., pas trop ma came. Mais passons. E. m’en a parlé, il a insisté, alors j’ai regardé. Pour me faire une idée.
Et {Walkabout} m’a assommée. Quelqu’un m’a expliqué qu’aux Etats-Unis, les stars des emmy-awards, c’était les scénaristes. D’abord les scénaristes. Ni les réalisateurs, ni les metteurs en scène. Les scénaristes, et puis après les acteurs. Ceux qui inventent l’histoire et créent des personnages. Ceux qui les incarnent. Ceux qui se prennent pour dieu, en quelques sortes. Pas ceux qui se proclament inspirés par lui, pas ceux qui n’offrent qu’une vision d’angle, pas ceux qui croient utile d’expliquer les méandres, les mystères. Et je crois que ça fait toute la différence. L’esbrouffe, le cinéma. Et cette drôle de question que la série pose, en filigrane.
Si t’avais le choix, tu garderais cette vie là ?
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