Chronique #569 : One of a kind

17 juin 2005 0 Permalink 0
caravane – raphaël
(like ra-ma la-ma la-ma ka dinga kading-a-dong)
Je me souviens des premières semaines, là-bas, et tous ces garçons pénibles, quand il fallait commander des pizzas. D. n’aimait pas le fromage fondu, sauf le chèvre, à la rigueur. S. ne partageait pas la sienne, question de principe (arf). B. vomissait les champignons, tu comprends, c’est allergique. G. n’avait pas faim tout de suite, mais dans deux heures, pourquoi pas. Pire que des filles. Toujours à pinailler, toujours à réclamer, et c’est à qui aura le dernier mot, ‘voyez, c’est moi qu’on écoute, etc., l’éternelle histoire de qui c’est qu’a la plus grosse, un truc récupéré du temps où il fallait se battre, pour survivre à la jungle killeuse de dinosaures, marquer son territoire et protéger son espèce… Aujourd’hui, les hommes discutent. Ils philosophent, ils palabrent. Nous sommes des garçons bien élevés, nous sommes les raisonnables. Pénible, hein. La vérité c’est qu’ils sont chiants, super relou, même. Hey. On est pas supposées être celles qui ont des couilles, enfin il me semble, relisez vos cours d’anatomie, bordel. S’en foutent. Ça fume le cigare, ça débat et ça se la raconte, et, en attendant, nos mères, elles nous ont pas appris à tricoter des pulls, je vous ferais remarquer. Nos mères, fallait pas leur parler pelotes de laine et coins de cheminée, à moins d’avoir envie de se prendre un pavé sur la gueule, non mais, des années qu’elles se mutinaient dans l’ombre, pour certaines, des années qu’elles tenaient le monde à bouts de bras pendant que les super-héros se mobilisaient pour défendre les frontières, alors vous pensez bien qu’elles n’allaient pas nous former à la maîtrise de la maille jacquard, faut pas déconner, t’as qu’à lire les gens de mogador, tu verras l’idée… Mais passons. Elles nous les ont totalement castrés, enfin c’est tout comme. Et nous on continue à les aimer, on s’attendrit, même, on les écoute, et ils câjolent, ils font les hommes, les protecteurs, ils savent ce qu’il nous faut mieux que nous, d’ailleurs, tu vas voir la vie, comment tu vas grave la kiffer quand je t’aurais adoptée, princesse. Mouarf. Que de la gueule. Si, si. Que de la gueule, je vous assure. Je prends un exemple, au hasard. Disons qu’un jour, on lance une idée en l’air, un truc auquel on pense très fort, tout de même, parce que ça manque, la mer, alors on discute, et puis on déroule le fil derrière, autour de la table, en buvant des bières, allez, on y va, allez, on se décide, on s’organise, on botte en touche les difficultés, résolument optimistes, après tout, c’est pas super compliqué à réaliser, avec une chanson, et un peu d’imagination, welcome back to neverland is wonderland, les enfants. Very exciting, tellement que ça enivre, c’est magique, orgasmique, une forme de reconnaissance, au bon endroit, au bon moment, sauvons-nous pendant que le loup n’y est pas, c’est encore la meilleure chose à faire, tu vois. C’est arrivé mille fois. Bringing game to life, as life’s so disappointing if not. D. disait que c’était la première fois, que d’habitude c’était lui qui écrivait des histoires pareilles, et moi je l’ai cru, bien sûr, tu penses, j’attendais que ça. Arf. J’ai attendu ouais, vachement longtemps même. Mais bref. On a lancé l’idée, pour de vrai, alors on en reparle, fatalement. Une fille, ça n’oublie pas. Fixons une date. Allons-y. Le week-end prochain, par exemple. Tu viens ? Stupéfaction du garçon. Cette femme est dingue, merde, encore une. Euh, t’es sûre ? Ça fait beaucoup de kilomètres, tout de même, pour aller bouffer des crevettes, que tu trouves aussi bien chez le poissonnier du marché, et puis ça va nous rétamer, le retour, et j’ai des trucs super chauds, au boulot, la semaine prochaine, et blabla, toutes les excuses sont bonnes pour doucher l’excitation, et vas-y qu’il froisse tes ailes de papillon, comme on dit dans Juliette, Je t’aime, et vas-y que tu te résignes à museler ton imagination, fais pas ton Amélie Poulain, ça sert à rien, occupe-toi de tes oignons, c’est tout ce qu’on te demande, si t’as pas passé l’âge de croire aux contes de fées, personne n’y peut grand chose, dis-toi bien. Et vas-y que tu répètes les situations, à l’infini même, les mots avant la peau, et la déception, toujours, la déception de savoir à l’avance comment tout ça va se conclure, comme s’il n’y avait plus rien à inventer, que des chimères, le temps de cicatriser quelques plaies, et puis déjà on file ailleurs, se battre et se mesurer, pas le temps de rêver, à peine celui de fantasmer. Des trucs de gonzesses, ça, faut pas déconner. Ben ouais. Le pire c’est que c’est vrai, et c’est pas comme si ça nous amusait, d’avoir hérité de convictions pareilles, je vous prie de croire. Bien obligées d’admettre qu’ils ont perdu cette capacité à nous émerveiller, ou même à nous surprendre, tout simplement. Paroles, paroles. Une bande de dégonflés perfusés au politiquement correct, mais qu’est-ce qu’elles ont branlé, nos mères, pour nous pondre des pétochards pareils. Ah bravo, hein, et merci, tssss. Tout ça pour ça, quelle déception, fatalement. Y a pas grand chose de nouveau, pas grand chose qui a changé, depuis elles, si ce n’est la liberté de s’envoler quand ils ont le dos tourné… Bien obligées de se débrouiller, entre filles. Bien obligées de s’échapper, faire les belles, promettre et tenir les rênes, c’est une affaire de bienveillance, et de fierté, aussi, plus besoin de personne en Harley Davidson, on a appris à conduire, à plonger, même, à fuir vos impossibles, à construire nos chemins de traverse, à se décider capables, et non plus coupables, jamais, c’était bien tenté, le coup de la culpabilité, j’admets, il y en a un paquet qui ne s’en sont jamais relevées, d’ailleurs, et à l’origine il y a cette ridicule histoire de fruit défendu, arf, you bet, jamais Adam n’aurait eu la faiblesse de croquer cette pomme à la con, lui, et on en serait pas arrivé là, figurez-vous, ouais, on n’en serait pas là si cette connasse d’Eve avait su résister à la tentation, toutes des salopes, blabla, et dire que c’est vous qui portez nos enfants, dieu du ciel, qu’on les enferme dans des harems, merde, c’est pas ce qui était prévu, à l’origine du règne animal dont nous sommes les maîtres et les seigneurs, faut-il le rappeler une fois encore, que je sache Moïse il avait des couilles, lui, pas les ongles vernis, et Abraham des millions de spermatozoïdes à en illuminer les nuits d’étoiles, c’est ça le principe, relisez les écrits, peut-on savoir qui a changé les règles sans prévenir personne, c’est n’importe quoi, hey, elles ont quitté la basse-cour, les connes.

Les poules se sont barrées voir la mer. Respirer l’iode. On vous laisse les conneries d’avant-guerre, on vous laisse le triomphe, et les fantasmes de l’histoire, on vous laisse vous perdre à tenter de maîtriser le temps, parce que bordel, c’est bien la seule chose qui vous résiste encore, le temps, et c’est putain de vexant, tout de même, de mourir bêtement sans le décider vraiment. Ouaip. Personnellement, je choisis d’arrêter d’en perdre, du temps. Rien à foutre du reste. Comme si je n’avais plus rien à me prouver, finalement, que cette capacité à savoir m’écouter. A me faire du bien, par tous les moyens, à choisir l’optimisme, envers et contre tout, parce qu’on n’a pas le choix, du tout, parce que la gravité est ailleurs, comme dit G., et que ça suffit de se laisser bouffer. Après tout, merde, c’est une question de respect. On n’a rien demandé, enfin je sais pas, vous, mais moi j’ai jamais rien signé, du genre aucun papier dans mes tiroirs n’indique que j’étais peu ou prou un minimum consentante à ma propre intrusion dans cette histoire abracabrantesque qu’est la vie sur terre. Alors bon, partant de là. Fondamentalement. On va pas se faire chier, non plus. Genre, on va faire ce qu’on a envie de faire, voyez-vous. Après tout. Qu’est-ce qu’on s’en fout. Personne n’y comprend rien, de toutes façons. Autant faire les questions-réponses soi-même, finalement. Autant décider de se faire plaisir. Ouais. C’est le minimum. Y a plus que ça qui compte, quand on a fait le tour du reste, y a plus que ça qui transporte vers l’oubli, et la vie devient légère, sensuelle, printanière, et je suis fière de dompter le côté obscur, en fait, fière de ce petit côté Madame Loyal, arf, c’est une victoire personnelle, mon combat à moi que j’ai, depuis ce jour de novembre, fouiller les ombres et chasser la peur, puisqu’il faut bien vivre, puisque c’est le seul truc que je lui dois, puisque cette responsabilité là est tangible, et concrète, puisque je ne lui ai pas demandé son avis, à lui, puisque j’en ai fait qu’à ma tête, puisque j’en ai conscience, quelle chance. Plus la peine de se la raconter, plus la peine de peser les contre et les pour, plus la peine de se poser en victime, plus la peine de contrôler les trafics à l’entrée, plus la peine de regarder plus loin que le bout de son nez, comme si on pouvait y voir quoi que ce soit, by the way, y a plus rien qui compte que la jouissance, bâtir du plaisir, connaître ce qui apaise, la gaîté, se dire que des regrets, d’accord, mais des remords, plus jamais, qui m’aime me suive, que les autres se fassent oublier, il y a tellement d’aventures à vivre, finalement, tellement de possibilités, tellement d’options, et suffisamment d’emmerdements tout le temps, enfin je veux dire, vous voyez, à un moment dans la vie il arrive qu’on se dise qu’il n’y a plus rien à comprendre qu’on ne puisse pas vérifier mathématiquement. 1+1=3, par exemple, ça se vérifie pas à coup d’équation, et, pourtant, c’est souvent pas ce qu’on croit, n’est-ce pas. A l’infini, on peut imaginer n’importe quoi, et une fois qu’on a réalisé cette chose là, un fois qu’on a fait un retour forcé aux fondamentaux de la laïfe on the earth, on est bien obligé d’admettre la vanité des vues de l’esprit, le nuage de mégalomanie, le fatalisme insupportable sans toute cette panoplie de projections, d’illusions. Bien obligé de choisir un costume, et d’entrer en scène. Ouais, c’est pile ça. On est bien obligé de se rentrer dedans, la vie et moi, à présent. Ça occupe le temps, et c’est vachement plus bandant qu’avant.

(dreams are my reality)

Je ne suis là pour personne, et c’est ça dont j’avais besoin…

No Comments Yet.

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *