Chronique #306 : The favorites ones…

13 septembre 2004 0 Permalink 0
notes du dimanche 12 septembre 2004 à 11h49.
exercice de style
Je suis dans une maison étonnante. La maison de V.

V. est ma tante mais on préfère dire cousines généralement. V. a une histoire difficile, deux enfants déjà adolescents – Grand A. et Petit A. – et une maison pas croyable.

Disposée sur un tas de niveaux dont on ne comprend pas immédiatement la logique, on peut y entrer par devant et alors c’est le salon, doté d’un grand escalier en bois à droite, un escalier raide qui emmène au premier étage ; le salon et tout le rez-de-chaussée, une série de pièces en enfilade qui communiquent via des encadrements de portes parfaitement alignés. Le salon appartient à Duchesse, le chat noir de Petit A. qui trône toute la journée sur le vieux fauteuil en velours rouge foncé dans lequel s’asseyait mon grand-père lorsque j’étais petite. Larges carreaux blancs au sol recouverts de tapis, un canapé et des fauteuils un peu défraichis autour d’une table basse, une bibliothèque dégoulinante de bouquins : très classique, comme salon. Réservé aux occasions spéciales, quand il y a du monde à la maison. Sinon on préfère s’installer dans la cuisine, qui jouxte la pièce, autour d’une table de ferme en noyer foncé. La cuisine est une mosaïque de meubles et d’objets de styles et d’époques différents, agencés un peu n’importe comment autour de la table rectangulaire. Il est facile de deviner que longtemps elle fût la seule pièce qui voyait arriver l’eau par les tuyaux : derrière les trois machines à laver le linge dont deux sont cassées et attendent d’être emportées dans une quelconque déchetterie, quand on fait coulisser la porte-placard, on découvre un lavabo et une douche encore à peu près fonctionnels. Hopper est affiché partout, coucou PB.

La salle à manger qui vient derrière c’est un autre univers. La plus petite pièce de la maison. A peine peut-on y loger une table ronde, quelques chaises et un petit buffet en chêne. V. y fait sécher le linge et on y trouve tout un tas de boutures d’hiver qui apprécient la grande baie vitrée plein sud, et les rayons de soleil qui la traversent. A gauche de la baie, une petite porte… et les toilettes. Voilà comment ça se passe lorsqu’on entre par devant. Mais on peut aussi entrer par derrière…

Une terrasse ou un jardin d’hiver, le débat est lancé. A mi niveau entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Par terre, par dessus un carrelage vieux rose, des caillebotis vert sapin. Tout autour, des bambous et des stores lui donnent un air très asiatique. Une table et des chaises, une armada d’herbes aromatiques – mais aussi des tomates cerises l’été et tout un tas de plantes variées. La terrasse est protégée par un auvent un peu crasseux et encadrée par deux escaliers. Au fond à gauche, l’escalier qui descend vers la salle à manger, que personne n’emprunte jamais tellement il est dangereux et glissant. Très très kitch aussi, couvert d’éclats de carreaux verts, rouges et bleus – on se demande bien qui eût l’idée de réaliser un chef d’oeuvre pareil !

Juste à l’entrée de la terrasse, à droite, l’escalier qui monte vers le premier étage. Seconds toilettes minuscules et presque situés à l’extérieur, puis la salle de bains certainement construite après le bâtiment principal mais avant les années 80. Toute en longueur et pas bien grande, peu éclairée, le ballon pour chauffer l’eau prend un peu toute la place. Après la salle de bains, on entre dans le domaine de Petit A., qui vit encore ici avec V., et de sa bande de copains fanatiques de jeux vidéos, jeux de rôles, et je ne vais pas citer de marques ou de titres sinon ils vont tous débouler ici et comme ils se baladent toujours en troupeau, bref quoi. Deux ordinateurs, une télé, trois consoles, un canapé, douze cendriers, il y a TOUJOURS un ado dans cette pièce le samedi. Parfois ils s’essaient à la guitare électrique, parfois une partie d’entre eux part en expédition vider le frigo, parfois il y a même une fille ou deux avec eux – il faut ramer pour se faire remarquer et séduire, déjà à cet âge là. Bien entendu les filles sont là comme groupies, pour s’extasier devant les prouesses des garçons. Ou alors pour jouer cinq minutes histoire de les faire rire.

En face à gauche de la première, une autre porte et un petit palier : à gauche, l’escalier qui descend vers le salon ; à droite, celui qui monte vers les chambres des garçons ; en face, le refuge de V. Des fringues et des chaussures, un lit qui trône au milieu et quelques jolis meubles dénichés dans des brocantes, ici personne n’entre sans frapper quand la porte est fermée.

Deuxième étage. Trois pièces : à gauche, la chambre de Petit A. qui débouche sur un pigeonnier à retaper (gros chantier). Des cartes à jouer partout, un large matelas posé dans le coin à gauche en entrant – seule concession faite au jeu, il faut bien dormir parfois. En face, un cabinet de toilettes – un bidet, rigolo vestige qui ne sert plus à rien, et un lavabo. A droite, le domaine de Grand A. qui n’y vient plus que quelques week-ends par mois depuis qu’il a emménagé avec sa petite amie à une centaine de kilomètres de là, études obligent.

Cette pièce est à la fois une chambre, un salon, un bureau. Total reflet de la personnalité de Grand A., dix-neuf ans. Un lit et un canapé des années 70 trouvé sur les lieux – comme les dizaines de paires de ciseaux accrochés sur les murs pour conjurer le mauvais sort, nous ne sommes pas dans le Berry pour rien, rappel. Une chaîne et quelques CD, les autres sont partis lors du déménagement, une télé, une table basse pour inviter à boire un café… Grand A. sait recevoir. D’ailleurs c’est maintenant qu’il entre en scène, my favorite cousin.

Grand A. est beau et bâti comme un dieu grec, mais il est surtout charmant et charmeur, intelligent et attentif, passionné. Lorsqu’il m’invite «chez lui» j’ai toujours du mal à en partir. Plongé très jeune dans une sale histoire de grands, il a su puiser les bonnes forces pour se construire – et aujourd’hui il s’instruit, et pas n’importe comment. Il lit Faulkner, Duras ou Flaubert. Il écoute du rock, du jazz et du reggae, et que du bon dans tout ça. Il s’intéresse à tout, retient tout, comprend tout. Brun à la peau mate, son visage un peu sérieux s’éclaire souvent d’un sourire splendide qui met des petits éclats d’or dans ses yeux très noirs. C’est à lui que je pense souvent quand j’imagine Léon plus grand, même si Léon et ses jeux vidéos prend plus le chemin de Petit A., oh la la !!

Voilà. Ici je suis bien. V. et moi ça dure depuis des années, quand elle a quitté son mari nous sommes beaucoup sorties ensemble à Paris, et maintenant c’est elle qui prend soin de moi. Elle sait partager avec moi les noeuds gordiens. Elle me donne espoir. Peu importe de quelle manière, c’est là, pour toujours. Et c’est rassurant quand elle me dit que franchir les étapes et les résistances c’est toujours difficile, mais qu’on y arrive toujours. Elle, je la crois. Et puis c’est mon doc’ préféré, qui sait quoi me dire lors de ces pénibles crises d’hypocondrie… Ici je suis bien parce que la liberté n’est pas vaine. On peut faire le tour de la maison d’un escalier à l’autre sans voir personne, ou bien toujours croiser quelqu’un pour discuter. La cohabitation est admirable, personne n’emmerde personne si bah il n’est pas du matin, ou pas du soir, ou pas de l’après-midi, ou juste pas de bonne humeur. Personne ne crie, ne claque de portes. Personne ne fait chier pour le plaisir, et surtout pas V. Ici je suis bien et je suis sûre que Léon aussi. Peut-être qu’un jour, nous y viendrons.

Pas facile, les descriptions. Mais c’est amusant. Merci pour le coup de main, Grand A. – et pour hier soir aussi, pour ta curiosité et ta gentillesse et nos soupirs, trop dommage hein !! Merci pour ces trois jours, V., cette tranquilité, ce calme, cette amitié. Love u, my favorites ones !

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