Chronique #299 : C’est quoi, un enfoiré affectif ?

09 septembre 2004 0 Permalink 0

hang on to your ego – franck black (beach boys cover)
attention, je suis de TRES mauvaise humeur.
Hier, quelqu’un m’a posé cette question.

Oulah. Ca mérite un exposé, vous croyez ?

Anyway.

L’enfoiré affectif, c’est d’abord quelqu’un qui parle beaucoup, et qui dit tous les mots que l’autre a envie d’entendre. Quelqu’un qui séduit avec de belles histoires, quelqu’un qui est cultivé, intéressant, amusant. Qui parle de légereté, mais qui n’est pas aérien. Il croit l’être, alors que c’est l’inverse. C’est une tornade, un cyclone. Il dispose d’une intuition hors du commun pour entrer dans une danse qu’il n’a pas forcément initiée. Il accorde ses pas rapidement, et il laisse croire que si l’harmonie est si jolie, c’est forcément pas un hasard, tout de même. C’est bien la preuve que. Blablabla.

L’enfoiré affectif est quelqu’un en manque, comme l’autre. La différence, c’est que l’enfoiré affectif repère immédiatement où se trouve le manque de l’autre, et comment il va l’utiliser pour combler son manque à lui. Evidemment, il ne fait pas toujours cela d’une manière consciente et raisonnée, mais il laisse faire. Il est ultra et extra-lucide, il sait ce qui est entrain d’arriver, et il laisse faire. Un peu lâche, un peu pleutre, mais surtout en manque – et il lui faut combler ce manque, alors il laisse faire.

L’enfoiré affectif a besoin de l’autre, mais pas trop longtemps, parce que son manque à lui est éphémère, et parce qu’il sait qu’il y a des tas d’autres qu’il pourra bouffer, façon mante religieuse, il est très fort pour repérer ses proies. Il est lunatique et curieux, mais ça fait partie de son charme, et il en joue. Il piège et aveugle l’autre, qui est très rapidement mordu – qui pense avoir trouvé ce qu’il cherchait, parce que l’autre cherche, pendant que l’enfoiré affectif se contente de voir venir. Et même quand l’enfoiré affectif dit à l’autre qu’il ne faut pas rêver aux histoires de princesses, de chameliers ou autres âmes soeurs, l’autre ne le croit pas. L’autre est happé, il n’entend plus rien, accroché à la belle histoire que l’enfoiré affectif lui a raconté à un moment ou à un autre – lorsqu’il, l’enfoiré affectif, comblait son manque à lui qu’il avait.

Parce qu’arrive le jour où l’enfoiré affectif estime que son manque est suffisamment comblé, ça suffit comme ça, ça devient envahissant, dérangeant. Mais plutôt que de le dire, l’enfoiré affectif va disparaître. Parfois il donne des prétextes totalement improbables pour l’autre, qui refait le film dans sa tête, et qui ne comprend plus rien au scénario. Parfois il explique n’importe quoi, juste pour se débarasser de la verrue qu’il s’était collé sous le pied. But la verrue, elle voudrait juste qu’on lui parle, quitte à entendre des choses pas très agréables. Mais l’enfoiré affectif est attaché à l’image qu’il veut donner de lui. Il se considère comme gentil, il ne veut pas être le méchant – c’est l’autre, le méchant, celui qui ne comprend rien, et qui harcèle. Alors il disparaît. Pouf paf plus personne, le téléphone pleure.

L’autre se dit que c’est toujours la même histoire, que c’est de sa faute et que c’est bien fait pour sa gueule. Qu’il s’est cru plus fort que l’enfoiré affectif, une fois encore. Qu’il ne faut jamais croire ce qu’on vous raconte, parce qu’il y a toutes les chances que toutes les belles histoires soient inventées. Qu’il a été sourd, et aveugle. Et alors commence une période assez noire, ou l’autre va jouer à l’enfoiré affectif avec d’autres – il existe toujours plus faible que soi. La roue tourne, mais c’est infernal. Parce que l’autre s’en fout d’être un enfoiré affectif, et que cela ne comble jamais le vide laissé par celui qui l’a mordu… Il se dit plus jamais ça… sans trop y croire.

Le problème de l’autre, c’est qu’il est incapable d’être captivé (amoureux) si l’aventure ne commence pas sur de belles paroles, parce que l’autre est un rêveur solitaire et qu’il n’a pas les pieds sur terre. Il ne sait pas s’intéresser à quelqu’un qui n’est pas un enfoiré affectif, parce qu’il a besoin de séduire, et de se sentir le plus fort du monde, celui qui fera craquer les carapaces – vaciller les certitudes. Parce qu’il exige du brillant, de l’exceptionnel, parce qu’il n’a jamais renoncé aux utopies.

Bref, c’est Tantale, l’histoire de l’autre et de l’enfoiré affectif.

Je me la pète un coup. Ce texte est dédié à L. sister-spirit. Mais aussi à V., E., LaS., N., E., etc.

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