Chronique #187 : Waiting Quotes

17 décembre 2005 0 Permalink 0
Anna
Il paie le taxi, et puis il attrape ma main. M’entraîne dans la rue, presque en courant, difficile à suivre, mais il y a le lien, ses doigts qui emprisonnent les miens, et autour c’est l’effervescence, la nuit, toujours la même, autour il y a des gens qui sortent des bars en chantant, devait y avoir rugby ce soir, ou un truc du genre, d’autres là-bas se roulent des pelles, et les bagnoles klaxonnent, putain ça fait deux heures que c’est passé au vert, qu’est-ce que vous branlez, avancez, on est pressé, et je me cogne dans des corps, et je pète un talon, je trébuche, mais il ne s’en rend pas compte, tu penses, il fend l’air estival, et moi j’accompagne le mouvement, je garde le rythme, attentivement, il est impatient, m’entraîne, m’interdit d’abandonner, je m’en remets à sa volonté.
{Allez, viens.}
Il a faim.
{T’es vachement bandante, beauté… hey… ça te va bien, la liberté.}
Rires. Il ne s’est jamais caché, c’est un truc rare dans le métier. Rires, aussi, pour me faire oublier. Voilà la porte, et il me coince, m’embrasse, sa langue sur ma joue, remonte, mord une oreille. Je saigne. Une goutte, et puis deux. Rires, encore. {T’as vu l’effet qu’tu m’fais, j’vais te dévorer comme jamais}. Je m’accroche à son épaule, plus de souffle, et mes tempes se vrillent. Tenir, il faut tenir. Digicode, ascenseur. Trop de lumière. Me laisser glisser contre la paroi, dos au mur. Lui attraper un genou. Il croit d’abord que c’est pour prendre appui, me relever, il se baisse pour m’aider, comment pourrait-il se douter qu’il faut que je reste à terre, je suis harrassée, c’est pas de ma faute, j’ai rien décidé, je suis vidée, il faut récupérer. Me récupérer. Juste ce besoin de le toucher. Palper. Rester connectée. Je m’accroche. Je veux pas me laisser submerger. Pas moi. Trop de taff pour édifier. Aucune faille. Pas moyen de céder. S’en tenir à ce que l’été promet. S’en tenir à ce qui est programmé d’ici la rentrée. Hum. Bien failli tout balancer avant de partir, mais j’y suis pas arrivée. Comme s’il fallait que ça lui tombe dessus. Sadique. Hop, j’te refile le bébé, on va bien voir si tu sais quoi faire avec, on va bien voir comment tu vas gérer. Nul. Sert à rien. Hors-sujet.
{Hey, est-ce que tout va bien ?} Merde. Suis partie trop loin. Sourires. {Tu es belle}. Ses yeux brillent. Désir. Vue de lui, je suis la même. Moi toute entière. Même femme, même objet. Décor inchangé. Il cherche pas les illusions, ni à s’en faire, l’issue est certaine. Envie de. Une salve, et puis deux, et ça vient du ventre, et c’est bien vivant, aucun doute, ça grouille des entrailles, c’est viscéral. L’étau se desserre, putain qu’est-ce que j’ai à me prendre la tête, à quoi ça sert de foutre en l’air ces moments-là, tant qu’ils sont là. Ma main hésite, puis provoque, remonte le long du jean, tout à coup convaincante. Pressions. Caresses. Foutus mécanismes de la tendresse. L’érection lui arrache un gémissement. Il fixe mon reflet dans le miroir. Médusé. Observe alors que je défais les boutons du pantalon. Je le cherche. Le trouve. Décharge électrique. Déjà presque un assouvissement. Empoignade, l’espace d’un instant, et puis je l’embrasse, l’écrase, l’étreint, le mâchouille. Si je mords, t’es mort. Il vacille, traversé d’un spasme. Se penche en avant, appuie un bras contre le miroir, en face. L’autre descend empoigner mes cheveux. Je ferme les yeux quand il rentre. Reconnaissance. Il tangue sur ses pieds, avance un peu, je happe aussi loin que je peux. Il bascule. Gronde et cogne, supplie, {attends, attends, s’il te plaît, encore, attends, s’il te plaît, t’es folle}, et je griffe ses chairs, lui aussi le marquer jusqu’au sang, et alors il jouit, longtemps, lâche une longue décharge, entraînant avec elle des résidus de cervelle. Il me regarde. Estomaqué. Un peu inquiet. Je suis blafarde. Désolée, mon grand.

Il ne sait pas ce qui l’attend.

#4 -

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